Publié le 25/06/2017
A notre époque où le nationalisme bat son plein, qu’en est-il de l’uniformisation du monde, conséquence de la mondialisation, dont on entendait parler à la fin du XXème siècle ?
Nation et nationalisme
La nation est avant tout une affaire de solidarité, c’est-à-dire un désir partagé entre individus différents de vivre ensemble. Il s’agit d’une idée politique
engendrée par le libre arbitre de chacun. C'est, comme le dit le philosophe et historien Ernest Renan, un droit à l’autodétermination : « Le droit à l’autodétermination nationale est
donc soudé, désormais, au droit à l’autodétermination démocratique, et cette soudure contribue notablement à freiner l’ethnocentrisme ». Autrement dit, la nation réside dans une volonté de
vivre ensemble et de s'autodéterminer en une communauté unie.
Le nationalisme, de son côté, est un principe politique qui légitime l’existence de l’Etat-nation pour chaque peuple. Selon l'historien Eric Hobsbawm, à partir des années 1870, en Europe et ailleurs, le nationalisme change sur trois points essentiels :
Les raisons de ces changements importants seraient multiples, notamment le contexte guerrier, la crise économique de la seconde industrialisation et la démocratisation de la vie politique dans un nombre croissant d'États. La question de l'identité nationale se pose alors... Car si le nationalisme se révèle la culture de la patrie, qu'en est-il de la mondialisation, supposée être le contraire ?
L'identité nationale
La notion de nation s'appuie sur 4 arguments principaux :
Pour souder un peuple en une communauté nationale, l’association politique, qui engendre la citoyenneté en tant qu’individu de droit, est insuffisante. La notion de peuple national nécessite davantage d'éléments dans sa construction. Ainsi, pour qu’un lien social s’établisse, il faut avant tout une culture commune.
Construction de la nation
L’Etat lui-même a un rôle crucial dans l'histoire de la nation, française comme bien d'autres, dont la culture est centrale. L’apparition des premiers Etats modernes (France, Espagne, Angleterre) aux XIVème et XVème siècles est marqué par un double phénomène :
A la révolution française, la volonté d'unification nationale se fait grandissante. Le chercheur Diechoff explique en ce sens : « La généralisation du français et le confinement des langues régionales dans un cercle de locuteurs de plus en plus restreint correspondaient à un double objectif. L’un était fonctionnel : si tous les citoyens sont en mesure de parler et de lire le français, ils seront directement touchées par l’idéologie révolutionnaire émanant du centre parisien. L’autre était proprement politique : créer parmi les Français le sentiment d’appartenir à la même communauté imaginée, la nation française. »
La communauté nationale n'est pas une mince affaire à mettre en place car, pour nombre de citoyens, ce projet demeure une abstraction, un slogan vide de sens, pour les paysans qui constituaient l’écrasante majorité de la population française. Il faut donc impérativement en faire une réalité vécue, une communauté concrète. L’uniformisation culturelle (et surtout linguistique) se révèle dès lors indispensable pour que chacun puisse éprouver le sentiment intime d’appartenance au même ensemble national. Et cette nationalisation des esprits ne peut elle-même procéder que d’un formidable travail d’inculcation mené, à travers son réseau scolaire, par l’Etat propagateur zélé de la bonne « bonne culture » et dispensateur infatigable de la « belle langue ».
Il n’est pas question pour les fondateurs de la IIIème République d’admettre que l’on puisse être citoyen français tout en restant de « culture primaire », telles que basque, bretonne ou catalane. Les particularismes locaux, dénigrés pour être des régionalismes archaïques, sont donc combattus, et relégués d’autorité dans la sphère privée. Tel un dommage collatéral, ce processus comporte, à terme, le risque de conduire ces disparités culturelles à l'extinction. En effet, sans relais solides (écoles, journaux, institutions sociales), ces cultures étaient vouées, au pire à la disparition, ou, dans un moindre mal pour elles, à une folklorisation et à une marginalisation croissantes.
La pédagogie nationale se met donc en place, d'abord avec l'émergence des capitales.
Par le développement de la bureaucratie (cf. le célèbre sociologue Max Weber), les villes parviennent à représenter des régimes politiques, voire même des civilisations. La structure administrative se révèle indispensable puisque leur action est nationale. La capitale devient un lieu de sacralisation de l’Etat. La population des grandes villes explose, entre 1850 et 1900 elle passe en moyenne de 1 à 2 millions d’habitants à Paris. Les petites communes du tour de Paris : Montmartre, Auteuil, Belleville etc. sont intégrées à Paris ; ainsi que les forts : Issy, Evry, etc.
Le tour de Paris est redéfini, ainsi que celui des grandes villes, car il faut être représentatif de la nation. En Europe, en Italie comme en France, l’architecture urbaine joue un rôle majeur. Il s’agit de contenir les éléments qui font le pays. A ce titre, le préfet G. E. Haussman va faire détruire Paris pour la reconstruire en plus moderne et dégager l’accès aux gares. Il va même assumer la cherté des loyers parisiens afin d'éviter l'invasion des ouvriers, qui souillerait, selon lui, l'image prestigieuse de Paris. En somme, l’idée fondamentale consiste à véhiculer l’idéal de la nation à travers la capitale car l’identité commune reste à édifier. En 1889, la gigantesque exposition universelle va permettre à Gustave Eiffel de réaliser le projet d’une tour qui manifeste la puissance industrielle et créatrice de la France.
Après la création de l’espace commun, il faut désormais des symboles communs…
Les drapeaux constituent un emblème fondamental des nations. En Allemagne par exemple, le noir est choisit pour représenter l'éternité, le rouge pour la bravoure/le courage et l'or pour l'opulence de l’unité allemande. Au même moment, se réalise l’écriture de Deutschlands lied qui devient l’hymne nationale.
En France, se déroule l'émergence de la République le 4 septembre 1870 et la mise en place de son sceau avec celui du second empire : une femme + la monnaie. De là nait Marianne, dont les origines profondes sont expliquées par l’historien Maurice Agulhon, associé à l’idée de Hobsbawn sur la manière dont les traditions sont créées. Marianne est une forme de mythologie née à la révolution française. La figure de cette femme s’ancre progressivement dans les consciences. 1877 est le moment du choix des emblèmes de la république : drapeau, hymne, date de fête nationale (14 juillet), Marianne sur le sceau. Un concours a lieu pour créer une nouvelle pièce de monnaie, et le gagnant représente la « semeuse » surmontée des rayons du soleil qui renvoie à l’idée d’une République paysanne et travailleuse.
Les outils de diffusion de la République se mettent en place pour installer son idéal, à laquelle l’école va contribuer.
Vocation d’unification
A l’instar de l’empire romain ou du caractère universel et absolu du christianisme, la tendance humaine penche vers l’unification et se soucie rarement des sous-groupes ethniques présents sur le territoire sur lequel ils évoluent. Le philosophe Ernest Renan affirme : « L’invasion des Barbares fut malgré les apparences, un pas de plus dans cette voie. Les découpures des royaumes barbares n’ont rien d’ethnographique ; elles sont réglées par la force ou le caprice des envahisseurs. La race des populations qu’ils étaient pour eux la chose la plus indifférente. Charlemagne refit à sa manière ce que Rome avait déjà fait : un empire composé de races les plus diverses ; les auteurs du traité de Verdun, en traçant imperturbablement leurs deux grandes lignes du nord au sud, n’avait pas le moindre souci de la race des gens qui se trouvaient à droite ou à gauche. Les mouvements de frontière qui s’opérèrent dans la suite au Moyen Age furent aussi en dehors de toute tendance ethnographique. »
Il en est de même pour la France : « Si la politique suivie de la maison capétienne est arrivée à grouper à peu près, sous le nom de France, les territoires de l’ancienne Gaule, ce n’est pas là un effet de tendance qu’aurait eue ces pays à se rejoindre à leurs congénères. Le Dauphiné, la Bresse, la Provence, la Franche-Comté ne se souvenaient plus d’une origine commune. Toute conscience gauloise avait péri dès le IIème siècle de notre ère, et ce n’est que par une vue d’érudition que, de nos jours, on a retrouvé rétrospectivement l’individualité du caractère gaulois. »
Tout cela pour dire que la volonté de rassemblement motive l'espèce humaine de longue date, cela dans l'indifférence de diversité des individus et des communautés existantes. Il apparaît donc que la notion de race, en plus de son caractère biologiquement absurde, se révèle une chimère politique. Dans ce cas, pourquoi l’espèce humaine ne l’a-t-elle pas dépassée ? A force de voyages touristiques et professionnels, de partage globalisé, de réseaux sociaux instantanés et planétaires, d'échanges scolaires et marchands mondiaux etc., on eut pensé que l'espèce humaine s’unifierait de manière universelle, tant sur un plan politique que culturelle. Tout cela pour aboutir à une forme d'identité mondiale, terrienne, dépassant les disparités nationales. Il n'en est rien. Pourquoi ? Finalement, se pourrait-il que ce soit là l’une des conséquences du mécanisme de mondialisation ?
Une mondialisation non universelle
On considère souvent que la globalisation de l’économie capitaliste se traduit par une uniformisation de ce qu’on appelle, d’une manière un peu rapide, "la culture". A vrai dire, quand on parle d’uniformisation, on suppose plus ou moins une espèce d’américanisation ou, tout du moins, d’occidentalisation du monde. Or, l’hétérogénéité demeure, car la diffusion de phénomènes économiques et culturels s’accompagne d’une « réinvention de la différence », pour citer l’anthropologue James Clifford.
Pourtant, aujourd’hui, les être humains issus de sociétés différentes et habitant aux quatre coins de la planète partagent certains traits communs : habitudes de consommation, référents culturels, valeurs, etc. Ce procès de civilisation, pour reprendre l’expression du sociologue Norbert Elias, conduit objectivement à une convergence des modes de vie, des conceptions et des représentations du monde. Néanmoins, ce rapprochement est lui-même générateur de différenciations symboliques fortes, en particulier à travers les revendications identitaires, qu’elles soient nationalistes ou ethniques. Autrement dit, le paradoxe du nationalisme en ce début de XXIème siècle – que l’on saisit avec le plus d’acuité au cœur de la civilisation mondiale, en Occident – réside précisément dans cette tension : le nationalisme s’exprime avec une vigueur renouvelée au moment même où les hommes se ressemblent de plus en plus.
La démarche anthropologique est riche d’enseignement. Le célèbre anthropologue Claude Lévi-Strauss insiste sur le fait qu’« il y a simultanément à l’œuvre, dans les sociétés humaines, des forces travaillant dans des directions opposées : les unes tendant au maintien et même à l’accentuation des particularismes ; les autres agissant dans le sens de la convergence et de l’affinité ». La première tendance est entretenue par l’isolement mais aussi par le voisinage, qui stimule le désir de se distinguer, d’être soi en se démarquant des autres ; la seconde est favorisée par la contiguïté géographique, les échanges, les contacts. La proximité agit donc parallèlement dans une double direction : celle du rapprochement, voire, à terme, de l’homogénéisation, et celle de la diversification, de la fragmentation. Les sociétés humaines se définissent, « eu égard à leurs relations mutuelles, par un certain optimum de diversité au-delà duquel elles ne sauraient aller, mais en dessous duquel elles ne peuvent, non plus, descendre sans danger. » Au-delà de ce seuil de diversité, elles seraient entraînées dans une logique d’éclatement infini qui les priverait de toute cohérence minimale. En deçà, elles perdraient toute réalité propre et finiraient par se fondre dans une sorte de magma social informe. La dialectique convergence/divergence maintient précisément cet écart différentiel entre les sociétés, indispensable à leur survie.
Finalement, de façon involontaire, la globalisation a contribué, depuis le XIXème siècle, à entretenir les logiques identitaires.
Nationalisme et capitalisme
Le capitalisme est un concept à la fois économique, sociologique et politique qui caractérise un système s'appuyant sur la propriété privée des moyens de production et, sur l'initiative individuelle, la libre concurrence et la recherche du profit.
Le capitalisme se développe en Europe de l'ouest au XVIème siècle sur une base commerciale liée aux échanges maritimes (après la colonisation de l'Amérique, mise en place du commerce triangulaire). Au XIXème siècle, la révolution industrielle fait naître le capitalisme industriel fondé sur la concentration du capital et la division du travail. Depuis lors, le capitalisme financier, caractérisé par la seule recherche de la rentabilité des capitaux investis en bourse, s'est fortement développé.
La production de masse, menant à une saturation du marché, oblige les marchands capitalistes à chercher de nouveaux marchés/clients. Pour cela, ils doivent non seulement trouver de nouveaux continents mais également s’adapter aux cultures locales de leur nouvelles cibles de marché. Dans ce cas, parle-t-on à nouveau de la culture nationale ?
La culture nationale est censée être unique pour les citoyens, afin de construire, par transmission et éducation, une culture nationale. Mais l’unicité de la culture est antinomique par son essence. En effet puisque, au cours des évolutions historiques, des cultures s’éteignent, d’autres apparaissent, la plupart se transforment par recompositions incessantes.
La culture est alors synonyme de diversité. Une diversité parfois à l’origine de l’identité individuelle que les individus tendent à rendre visibles.
D’un autre côté le caractère polysémique de la culture – coutumes, habitudes, mémoires, croyances – la rend particulièrement attrayante pour les acteurs nationalistes. La diversité permet aux stratégies de s’adapter selon les moments.
En insistant sur les spécificités culturelles, quitte à les accentuer, les dirigeants nationalistes cherchent avant tout à démarquer le plus possible leur peuple des autres, afin de donner une pleine légitimité à leurs velléités d’indépendance politique.
Illustration avec McDo
Le nationalisme est pétri d’éléments culturels et symboliques sur lequel le Marché joue afin de mieux se diffuser sur le globe. Autrement dit, les disparités nationales sont entretenues par le capitalisme.
A propos des produits proposés, Mcdonald's a mis en place pour la France des menus entiers, comme le menu "Casse-croûte" (un sandwich + une boisson) ou le menu "boîte à salade" (une salade + une boisson). De plus, de nombreux sandwichs ont été spécialement conçus pour les français : le "Croque mcdo" par exemple, qui reprend le traditionnel croque-monsieur français, le "McBaguette", un sandwich avec du pain baguette, spécialité française, ou encore le "petit charolais", un sandwich avec de la viande de bœuf charolais. Il y a également des séries limitées comme "les Grandes Envies de fromage" qui reprennent un autre symbole de l'identité nationale : le fromage. Dans les menus Happy Meal, des yaourts et des compotes sont proposés exclusivement pour la France.
Figure 6. Pub McBaguette et autres hamburgers au fromage pour le France !
Dans chaque pays, Mcdonald's s'adapte aux spécialités locales et aux goûts des populations. Ainsi, dans un pays comme l'Italie par exemple, où les spécialités sont les pâtes, les pizzas et la mozzarella, Mcdonald's proposera des salades de pâtes ou encore des burgers à la mozzarella.
Figure 7. McDonad en Italie
En Allemagne, Mcdo propose de la bière : la boisson emblématique du pays. On peut également consommer un hamburger à base de saucisses de Nuremberg ("das Nürnburger"), qui est un aliment cliché de ce pays.
Figure 8. McDo en Allemagne
En Espagne, Mcdo propose du Gaspacho (spécialité culinaire) dans ses restaurants :
Figure 9. McDo en Espagne : Le Gaspacho !
De plus, dans les pays asiatiques, on peut trouver des sandwichs de galettes de riz en Malaisie, le riz étant l'aliment de base dans la culture asiatique, ou encore un hamburger au pavé pané de crevettes au Japon :
Figure 10. McDo en Malaisie et au Japon
Enfin, en Inde, où l'on mange très épicé, on trouve des produits cuisinés au curry dans les restaurants Mcdo, tel que le "McCurry Pan" ci-dessous :
Figure 11. McDo en Inde
En conclusion, l'uniformisation et le cosmopolitisme ne sont pas pour demain !
Couverture : http://dailygeekshow.com/40-cartes-qui-changeront-votre-vision-du-monde-avec-des-informations-etonnantes/
Figure 2 : https://www.histoire-image.org/etudes/symbole-premiere-republique
Figure3 : http://msourai.canalblog.com/archives/2012/05/22/24317785.html
Figure 5 : http://avenir7.blogspot.fr/2015/12/la-mondialisation.html
Figure 6 : Hamburger Français :
Figure 7. McDonald en Italie :
Figure 8. McDonald en Allemagne :
Figure 9. McDonald en Espagne : Le Gaspacho : http://legeekcestchic.eu/mcdo-specialites-quon-ne-trouve-pas-en-france/
Figure 10 : McDonald en Malaisie et au Japon :
Figure 11. McDonald en Inde : http://theweekmagazine.tumblr.com/post/30936320909/introducing-the-mccurry-pan-one-of-the-menu-items