Publié le 18/06/2021

Les zombies viennent d'Haïti

Les zombies font aujourd'hui partie du folklore commun. Qu'il s'agisse de livres, de bandes dessinées, de films, de séries et même de jeux vidéo, les morts-vivants pullulent et perdurent. Portant, malgré leur popularité, leur origine est souvent méconnue. 

Naissance à Haïti

C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe
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Le mythe du zombie prend sa source à Haïti avec les esclaves africains.

En 1664, les boucaniers français s’installent sur l’île et y établissent d’immenses plantations de tabac, d’indigo, de coton et de cacao. Pour assurer la production, les Français importent des esclaves depuis l’Afrique, de Guinée, du Congo et du Dahomey.

Dans les années 1780, l’île est l’une des colonies les plus riches de l’empire français. Elle produit près de la moitié du sucre et plus de soixante pour cent du café consommés en Europe — le tout grâce au travail de 790 000 esclaves, littéralement exploités à mort.

 

 

Ces esclaves avaient apporté avec eux leurs diverses religions issues des centaines de tribus dont notamment le vaudou. Le vaudoue de l’Ouest africain est fondé sur le principe d’un dieu suprême appelé « Bondye », auquel s’ajoutent des esprits et divinités inférieures. Le vaudoue, comme le christianisme, croit à la séparation du corps et de l’esprit. C’est sur ce principe que se fonde la pratique cérémonielle de la possession par les divinités. L’hougan (prêtre vaudou), ou la mambo (prêtresse vaudoue), invoque un esprit mineur (un Lwa) et lui demande de prendre possession de l’un des fidèles présents. Cela n’est réalisable qu’à condition que l’âme du pratiquant s’en soit allée, emportée par l’état de transe.

La pratique vaudoue

Selon la croyance vaudoue, chaque personne a une âme double, composée d’une partie représentant ce qui est constitutif de sa personnalité le « gros bon ange »), et d’une seconde correspondant à sa force vitale (le « tiz’ange »). Lorsque le « gros bon ange » quitte le corps, la divinité peut y entrer pour agir et s’exprimer par son intermédiaire. Ensuite, lorsque la divinité s’en va, le « gros bon ange » du possédé peut retourner dans le corps et revoir la bénédiction du Lwa.

Un zombi haïtien, au crépuscule, dans un champ de canne à sucre (illustration de Jean-Noël Lafargue)
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C’est à ce stade que le zombie fait son apparition car si l’âme d’une personne séparée de son corps par un bokor, un sorcier pratiquant la magie noire, alors il peut arriver que celle-ci ne parvienne jamais à regagner son corps d’origine. Elle laisse alors derrière elle un réceptacle vide et vulnérable qui peut être réduit en esclavage. Pour accomplir cette prouesse, un bokor combine le recours à la magie et l’utilisation de puissantes potions capables de produire un état de catalepsie chez ceux qui les intègre. Quand la personne est « morte » et que son âme a été capturée, le nécromant ressort le corps de sa tombe pour le ranimer en tant qu’esclave dépourvu de conscience et de volonté, totalement soumis à son contrôle. Cet esclave obéissant est un « zombie ».

 

 

Par la suite, les occidentaux ont introduit le mythe du « mort-vivant » via la littérature comme le texte « Le pays des revenants » (1889) de Lufcadio Hearn Le Bagdad noire - les nuits arabes aventureuses d’un capitaine de la marine en Haïti (1933), et Le Cousins Cannibales (1934) de John H. Craige, qui dressent un tableau exagéré de rituels sauvages, de breuvages démoniaques et de résurrections. Par la suite, le mythe a évolué au fil du temps et des modes jusqu’à prendre sa forme actuelle de corps pourrissant amateur de cerveaux.

Une origine vraiment magique ?

Un esprit rationnel s’interroge de l’aspect mystique de cette origine. Si le mythe du zombie provient bien de ces rituels vaudous il semble que les transes et l’état catatonique puisse s’expliquer sans user de magie. En effet, l’anthropologue, ethnobotaniste et auteur Wade Davis a consacré trois années à l’étude de la végétation du Bassin amazonien et de la zone andine pour découvrir le mystère de la décoction vaudoue. Par le biais d’entretiens avec différents bokors et autre sorciers, Davis est parvenu à obtenir plusieurs préparations chimiques de « poudre à zombie » qui toutes contiennent des éléments cohérents pour une vision magique : du serpent, du crapaud, diverses plantes et même des restes humains. Mais un ingrédient essentiel, et le plus important, est un poisson-globe appelé « fugu » - un poisson tropical bien connu, notamment grâce à une spécialité culinaire japonaise. Il a la particularité de contenir la plus puissante neurotoxine, la tétrodotoxine (TTX) jamais découverte dans la nature.

Poisson fugu
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Ce poison est composé d’une molécule capable de bloquer de manière très sélective le pore des canaux sodium des nerfs, entraînant une paralysie des membranes inférieurs et des extrémités, ainsi qu’un ralentissement spectaculaire du rythme du métabolisme. 

 

Selon Davis, la TTX était précisément l’élément actif déterminant dans les préparations populaires appelées « poudres à zombie ».


Bibliographie

Jovanka Vuckovic, Zombies !, une histoire illustrée des morts vivants, 2013, Hoëbeke

Images sources

Image 1 : https://www.bacdefrancais.net/candide-19.php

Image 2 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Zombie#Afrique_et_vaudou

Image 3 : https://www.pinterest.fr/pin/423760646162469646/