Publié le 15/03/17

Hollywood : Représentation ou dénaturation du peuple oriental ?

Si quelqu’un vous demandait, là maintenant, de fermer les yeux et de penser aux films hollywoodiens que vous connaissez et d’en extraire l’image d’un personnage arabe, à quoi ressemblerait-il ? Sans doute à un stéréotype composé d’une barbe, coiffure et lunettes noires, certainement couvert d'un keffieh, l'air menaçant, et très souvent associé à un décor limité composé d'un désert, d’une limousine, d’un harem, de puits de pétrole ou de chameaux. Pourquoi ?

Figure 1. Hollywood présente: "Les bons Américains contre les méchants Arabes" (dessin de Latuff)
Figure 1. Hollywood présente: "Les bons Américains contre les méchants Arabes" (dessin de Latuff)

Construction d'un vilain par récurrence

Ce processus de stéréotype est un mécanisme déplorable que le professeur de communication de masse Jack G. Shaheen explique dans ses travaux. Dans son ouvrage Reel Bad Arabs, how Hoolywood vilifies a people (2015), l’auteur étudie près de 1 000 films hollywoodiens et démontre que, dans la majorité des cas (et pas dans tous !), ces portraits sont éloignés de la réalité. L’auteur se sent obligé de montrer que le cinéma hollywoodien vilipende, voire déshumanise, le peuple arabe depuis près d’un siècle. Notons de suite que le terme "Arabe" est flou et ne constitue pas un peuple ou une culture unique mais un ensemble diversifié d'histoires, de traditions, de croyances, de pays et d'individus qui semble négligés par Hollywood selon les études qui portent sur ce sujet. L'analyse de Jack G. Shaheen s'inscrit dans cette dynamique, et s'interroge sur les composants - réducteurs - de l'identité des personnages orientaux dans nombre de films hollywoodiens, cela sans tenir compte des films indépendants, parfois réalisés par des productions étrangères, ni des documentaires et des films réalisés pour la télévision. Elle s’attache uniquement aux productions grands publiques hollywoodiennes allant des blockbusters comme Retour vers le Futur (1985) jusqu’aux dessins animés Disney tel qu’Aladdin (1992). Il constate qu'au terme de l'analyse de son corpus de 1 000 films, la balance des images et de la représentation des personnages typés arabes penche pour une conception majoritairement négative. Ils sont les "autres", souvent cruels, méchants et servent des desseins généralement hostiles.

 

Pourtant les Arabes ont grandement contribué à l’essor de notre civilisation ! Beaucoup de leurs chercheurs ont inspiré l’Europe comme Léonard de Vinci. Ils ont inventé l’algèbre et le concept du zéro. En astronomie ils étaient les premiers à utiliser l’astrolabe pour la navigation, ainsi que les cartes des étoiles, le globe céleste ou encore le concept de centre de gravité. En géographie ils furent les pionniers en matière d’usage de latitude et de longitude. Leur architecture a inspiré le style gothique en Europe.

 

 

Mais Hollywood semble avoir écarté cet aspect de la réalité car il ne faut pas s’attendre à voir émerger de ses studios des personnages modelés dans les universités arabes. En effet, les membres de ce peuple novateur dans leur histoire, en matière de science, de mathématique, de médecine, d’astronomie ou encore de botanique, et qui sont majoritairement pacifiques, pauvres, dénués de harem ou de puits de pétrole et de chameau ; s'avèrent diabolisés dans nombre d'images produites et diffusées. Jack G. Shaheen s’en désole car il fait remarquer que c’est là le premier pas vers la xénophobie. A force de répétition, les préjugés se forgent dans les esprits. Le cinéma est un média puissant qui se sert et fabrique des mythologies significatives pour raconter le monde à travers les codes culturels qui la dominent. Par exemple, c’est typiquement l’image de la blouse blanche qui va servir à symboliser un savant, un médecin ou une quelconque forme d’autorité dans un publicité, une série ou un film. Il est important d’en prendre conscience parce qu’Hollywood a le pouvoir de cristalliser certaines mythologies, et quand il s’agit de l'avilissement d’une ethnie ou un groupe religieux, cela est dangereux, car une telle dynamique entraine nécessairement des innocents à la souffrance.

 

Platon reconnaissait déjà dans son livre République que les gens possédant le pouvoir de raconter les histoires régissent également la société. Mais dans quel but ces stéréotypes perdurent-ils ? Jack G. Shaheen estime que cela s’explique pour des raisons politiques, de profits au box office, par une forme d’apathie et l’absence d’Arabo-Américain dans cette industrie. Des centaines de films révèlent des protagonistes occidentaux mépriser verbalement les Arabes en les insultant de : "assholes" (trous du cul), "bastards" (Salauds), "pigs" (cochons), "devil-worshipers" (adorateurs du diable), etc.  Il faudrait que cela change, d’autant plus que le problème ne date pas d’hier.

Les débuts du stéréotype arabe

Toujours en suivant la lecture de Jack G. Shaheen, il apparaît manifeste que les réalisateurs de films n’ont pas créé le stéréotype arabe mais en ont hérité des caricatures européennes préexistantes. Au XVIIIème et XIXème siècles, les artistes et écrivains européens réduisaient cette région à l’image qu’ils en avaient au travers du colonialisme. Ils présentaient de la sorte des images de déserts désolés, de palaces corrompus, et de souks vicieux inhabités. Dans les contes, le stéréotype typique était un vendeur fourbe et une concubine exotique prise en otage dans un marché d’esclaves. Cette vision fictionnelle fut acceptée et devint un mythe, une part indélébile de la culture populaire européenne.

 

Pendant le début des années 1900, les faiseurs d’images, comme le français Georges Méliès, se servaient des danseuses dans les harems. Dans le film The Palace of Arabian Nights (1905) de Méliès, les serveuses subjuguées assistent un potentat ennuyé, gourmand, à la barbe noire, battant un énorme serviteur. Un procédé que le cinéaste réitère dans son autre oeuvre datée de la même année et intitulée The Palace of Arabian Knights, ainsi qu'en témoigne l'illustration ci-dessous (vous pouvez accéder à la vidéo en cliquant sur l'image).

 

Figure 2. The Palace of Arabian Knights
Figure 2. The Palace of Arabian Knights

 

Média de recyclage plus que de création, le cinéma populaire américain, incarnée par l’entreprise commerciale qu’est Hollywood, ne peut prendre de risques car il doit assurer ses investissements en les faisant reposer sur des contenus vraisemblables et acceptables par le plus large public possible. « Ces contenus doivent dès lors être conformes aux représentations sociales dominantes. » (Naim R.) C’est pourquoi il se raccroche à ces mythes. 

 

Ainsi, dans la plupart des films étudiés, les Arabes sont les vilains. Jack G. Shaheen ne dit pas que les individus orientaux ne devraient jamais être les méchants mais que la quantité des images négatives des arabes et leur répétition est injustement supérieure aux images positives, notamment en comparaison des autres ethnies. Cela crée un souci d'injustice car ces images et représentations soulèvent un portrait défavorable qui traverse les générations. Certes, tous les groupes ont leur lot de personnes violentes et folles, mais dans le monde hollywoodien la narration tend à insister sur le peuple arabe.

 

Dans d’innombrables films hollywoodiens, les arabes sont les méchants qu’une star vient combattre et vaincre.  Regardez Emory Johnson dans The Gigt Girl (1917), Gary Cooper dans Beau Sabreur (1928), John Wayne dans Chasseurs d’images (1937), Burt Lancaster dans Dix de la légion (1951), Dean Martin dans Matt Helm traqué (1967), Michael Caine dans Ashanti (1979), Sean Connery dans Jamais plus jamais (1983), Harrison Ford dans Frantic (1988) Kurt Russell dans Ultime décision (1995), Brendan Fraser dans La Momie (1999).

 

Vous êtes sceptique ? Cela peut se comprendre.

Quelques démonstrations parleront sans doute davantage...

 

Analyses détaillées de films hollywoodiens     

Emory Johnson, interprète Marcel
Emory Johnson, interprète Marcel

The Gift Girl, 1917

 

En Arabie, une famille prend soin de Rokaia, une orpheline d'origine anglaise. Quand elle grandit on lui ordonne de se marier avec un gros marchant (arabe), nommé Malec. En désaccord avec cette idée, Rokaia fuit à Paris où elle tombe amoureuse d'un étudiant nommé Marcel (interprété par Emory Johnson). Mais Malec refait surface, et rencontre Rokaia dans la ville. Le bonheur du couple est alors menacé, Malec tente de prendre de force Rokaia pour la faire retourner en Arabie. Le héros occidental intervient. Marcel et ses amis étudiants repousse le marchand et tout est bien qui fini bien.

Beau Sabreur, 1928

 

Les légionnaires Henri de Beaujolais, Raoul de Redon et Dufour ne rentrent pas à temps de permission à Alger et sont mis en prison. Henri y gagne le titre de "Beau Sabreur", que lui donne son oncle le Général de Beaujolais après qu'il ait gagné un duel contre Becque, un traître. Le général envoie Henri dans le désert pour y apprendre les coutumes locales, puis à Zaguig, où il rencontre Mary Vanbrugh, une journaliste américaine. Henri de Beaujolais est envoyé pour signer un traiter avec le Cheikh El Hammel censé stopper l'invasion des indigène par les "disciples de Allah" et permettre à la France de contrôler le territoire algérien.

El Hammel y apparaît comme un personnage indolent, un potentat obèse qui a besoin de son vassal pour l'aider à se lever après un lourd repas ou une période trop longue passée assise, les jambes croisés sur des oreillers posés à terre. Celui-ci refuse de signer le traiter français sauf si Mary Vanbrugh, une écrrivaine américaine, accepte de rejoindre son harem. Mary refuse cette proposition, alors Henri retarde l'aboutissement des négociations. Tandis qu'un déserteur de la Légion Etrangère soutient les rebelles, Henri mène à bien sa mission et conquiert fièrement le coeur de la belle, déjà bien éprise...

 

 

Chasseurs d'images, 1937

 

Les cameramen Bob et Elmer, joué par John Wayne et Elmer Davis sont envoyés dans le protectorat britannique de Samari près de la frontière irakienne, avec pour mission d'interviewer le chef arabe Muffadhi. Quand ils arrivent, le pays est occupé par les Anglais. Les rebelles arabes sont terrorisés par les Anglais et leurs amis. Muffadhi se révèle être le chef d'une "tribu de fanatiques" et il aurait déjà tué trois caméramans américains. Finalement,  les protagonistes vont se retrouver mêlés à un trafic d'armes et permettre aux troupes britanniques de résister à l'attaque des hommes de Muffadhi.

 

Une scène notable concerne 3 gardes arabes idiots. Ces trois sentinelles s'amusent devant l'appareil photo sur trépied posée dans le camp, alors Bob leur propose de les photographier ; ils sourient et hochent la tête pour accepter. Bob leur indique de courir au loin à son top, vers la dune, afin de les prendre en action en train de charger avec leurs fusils. Les trois gardent s'exécutent, s'éloignent, dos à l'appareil photo, ainsi qu'à Bob et Elmer, qui en profitent pour s'échapper.

Ben Hur, 1952

 

Judas Ben-Hur, prince de Judée, retrouve son ami d'enfance Messala, venu prendre la tête de la garnison de Jérusalem. Mais leur amitié ne peut résister à leurs caractères différents.

Alors qu'une pierre tombe du balcon de la maison familiale de Ben-Hur, manquant de tuer le gouverneur qui paradait plus bas, Messala trahit son ami qu'il sait innocent en l'envoyant aux galères et en jetant en prison sa mère et sa sœur. Ben-Hur jure alors de reconquérir sa liberté et prépare sa vengeance.

Le scénariste Karl Tunberg dépeint les Arabes et les Juifs comme des amis. Contrairement au film de 1926, aucune femme fatale égyptienne ne fait surface dans ce film.

Le riche Cheikh Ilderim voyage à Jérusalem pour assister aux courses de chars.  En route, ce Cheikh, sage et tolérant, fait amitié avec Judas. Lorsque tous deux discutent dans la tente du Cheikh, ce dernier respecte certaines des croyances de Judas mais précise : "Un seul Dieu, je peux comprendre, mais une femme - ce n'est pas civilisé". Il recommande par la suite à Judas de se payer quelques femmes. L'image du harem est tenace...

Plusieurs scènes présentent des Arabes et des Juifs comme des peuples opprimés sous le régime romain. Travaillant ensemble, les autres sémites contestent les Romains dominants.

La grande course vient, et le cheik et ses compagnons arabes encouragent Judas à la victoire.

Lawrence d'Arabie, 1962

 

Pendant la Première Guerre mondiale, les Turcs abattent des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants arabes. Voyant l'abattage, l’officier du Royaume-Uni Thomas Edward Lawrence fait preuve d'empathie avec les victimes. Lawrence conseille aux Arabes du chérif Fayçal ibn Hussein de se révolter contre les Turcs de l'Empire ottoman et de fonder une nation arabe indépendante moderne.

Lawrence et ses Bédouins font sauter les chemins de fer turcs, détruisant leurs garnisons. La plupart des scènes montrent des Arabes décents, soutenus par le protagoniste Lawrence et ses collègues britanniques. A l'inverse, les Turcs, qui sont en ligue avec les Allemands, sont projetés comme des méchants.

En dépit des portraits arabes favorables, des stéréotypes maigres et des distorsions historiques affligent le film. Par exemple, la caméra présente des querelles et des pillage des Arabes, qui sembles incapables de coexister.

Une des scènes les plus inquiétantes se produit au fur et à mesure que le film commence. Un point sombre apparaît à l’horizon, devenant finalement un cavalier solitaire galopant à travers la chaleur du désert. C'est un cavalier qui approche, se dirige vers Lawrence accompagné par un guide bédouin. Les deux hommes sont paralysés près du puits d'Ali. Le guide apeuré prend son arme et la pointe vers l’arrivant. Mais Ali les salue en premier en tirant  sur le guide, qui meurt sur le champ. Furieux, Lawrence s’écrie: "C'était mon ami." Puis, Lawrence livre un soliloque sur les batailles bédouines, en disant: "Shérif Ali, tant que les Arabes combattront une tribu contre une tribu, tant qu’ils resteront un petit peuple, un peuple idiot, cupide, barbare et cruel comme vous." Ali et Lawrence partent, laissant le corps du guide sans surveillance dans la chaleur du désert. Jack G. Shaheen remarque que, plus tard, James E. Akins, ancien ambassadeur américain en Arabie saoudite, écrit: "Ali a tiré sur le guide de Lawrence pour boire de l'eau de son puits - c'est inconcevable". Akins a raison. L'hospitalité est un devoir sacré pour les Bédouins. Le meurtre du Bédouin au puits d'Ali n'est pas dans les Sept Piliers de Lawrence de Widsom. Dans l’œuvre originale, Les sept piliers de la sagesse une scène similaire a lieu dans laquelle le Shérif Ali et un compagnon partagent paisiblement le puits avec Lawrence, ses guides, et avec d'autres Bédouins qui arrivent pour arroser leurs chameaux. DansLes sept piliers de la sagesse, le récit de cette scène du puits est humoristique, plutôt qu'une rencontre mortelle.

D’autres scènes sont analysés par Jack G. Shaheen mais, en définitive, retenons que, tout au long de ce film, le thème principal demeure la domination culturelle - les britanniques civilisés conquérant des blocs non civilisés. Après tout, le film concerne un brave Anglais, pas un vaillant Arabe. Lawrance apparaît comme un dieu soleil arabe, unissant les Arabes. Son courage et son intelligence sauvent leur vie ; et sa stratégie écrase les Turcs, et leur donne Damas.

Ashanti, 1979

 

David et Anansa Linderby se trouvent en Afrique dans le cadre d'une mission de l'OMS. Ils visitent le village où se déroule la campagne de vaccination. Alors que David prend quelques photos, Anansa, partie nager seule, est enlevée. Les rumeurs circulent qu'elle serait victime d'un trafic de femmes, un certain Suleiman chercherait à la vendre au prince Hassan. David se tourne alors vers les autorités, mais face à leur déni du phénomène d'esclavagisme, se résout à mener les recherches seul.

Le film est une succession de scènes obligeantes pour le peuple noir asservi par les Arabes. La scène de fin sur le yatch du prince Hassan (Omar Sharif), illustre le thème de cette création. Il est face à Ananasa qu'il a acheté 20 000$, essentiellement parce qu'elle a un doctorat (c'est une esclave belle et intelligente à ses yeux), il dit qu'elle est précisément ce qu'il cherchait. Pourquoi ? Pour satisfaire son vieux père malade dont il espère qu'il mourra entre ses bras, en échange de sa liberté. Suite à cela David et son ami Malik monte à bord et tuent plusieurs personnes pour délivrer la femme kidnappée. 

Pour Jack G. Shaheen ce film encourage les Noirs à haïr les Arabes, il a d'ailleurs écrit là-dessus en 1979 : "Ashanti : The Arab as Black Slaver".

Jamais plus jamais, 1983 (James Bond)

 

L'agent Bond a vieilli. Il échoue lors d'une mission de sauvetage qui était un entraînement pour évaluer ses capacités. Analysées par M, son supérieur, ce dernier l'envoie en cure dans une clinique privée en banlieue de Londres. Au même moment, en France, dans une banque, une certaine Fatima Blush rejoint une pièce secrète, dans laquelle se déroule une réunion du SPECTRE. Son chef, Enst Stavro Blofeld dévoile le plan Les larmes d'Allah, il s'agit d'un vol de missiles de croisière nucléaires orchestré par Maximilian Largo. Celui-ci a chargé le capitaine Jack Petachi de commettre le vol, en le droguant et en menaçant la vie de sa sœur, Domino, qu'il retient en otage. 

 

Une fois de plus, les noms à connotations arabes sont associés à des desseins extrêmement malfaisants.

Retour vers le Futur , 1985

 

Cette comédie temporelle montre un jeune garçon, Marty McFly, et un savant fou, Dr. Brown, duper et voler à des arabes, un groupe de Libyens pour être précis, du plutonium, élément chimique produit dans le coeur des réacteurs nucléaires.

Durant la scène qui présente la machine à voyager dans le temps et son carburant, que constitue le plutonium, une scène de fusillade s'ensuit au cours de laquelle, le Doc est exécuté. Marty crie : "Noooooo ! Bastard". Les Libyens s'en prennent ensuite à Marty qui monte dans la machine à voyager dans le temps et celle-ci, pleine de carburant, l'amène dans le passé tandis que le van transportant les Libyens, prêts à attaquer Marty au lance-roquette, est envoyé dans le décor.

 

Nous voyons là une représentation du terroriste arabe, cruel, menacant, et armé jusqu'aux dents. Pourquoi des Libyens ? C'est le mystère, surtout lorsque l'on songe au fait qu'en 1985, année de réalisation du film, le seul pays du Moyen-Orient à posséder l'arme nucléaire était Israël. La Libye ne l'avait pas, donc ces terroristes ne pouvaient logiquement que très très difficilement l'obtenir...

Indiana Jones et la dernière croisade, 1989

 

Dans ce troisième film de la saga, l'archéologue part en quête du saint Graal en compagnie de son père. Une course s'ensuit entre la famille Jones et les Nazis entre lesquels se joignent des égyptiens. Parmi ces derniers certains sont du côté des héros et d'autres plus proche des membres du partie d'Hitler. 

Parmi les scènes explorées par Jack G. Shaheen dans son analyse du film, deux paraissent particulièrement pertinente.

La première concerne la scène dans le palais de la "Republic of Hatay" où une rencontre entre les nazis et le potentat afin de passer un accord. Les nazis proposent un abondant coffre de trésors mais le chef arabe, atteint par le consumérisme occidental, préfère la voiture Rolls Royce. Les nazis acceptent avec stupéfaction en échange de ce qu'ils désiraient : voiture, armes, tanks, vivres, etc.

La seconde scène a lieu durant la scène de bataille suivante dans le désert. Des égyptiens luttent contre les nazis au moment où Indy et ses amis arrivent pour mener bataille. Mais les réalisateurs ont juger bons de ne pas faire lutter les deux équipes ensemble, alors qu'ils combattent pourtant le même ennemi. Sur une scène de bataille qui dure un peu plus de 10 minutes, les arabes "gentils", la quinzaine de chrétiens défenseurs du Graal, se font battre en une minute. C'est finalement Indiana Jones et ses trois compagnons qui auront raison, à eux seuls des allemands. Finalement, l'avilissement se présente ici sous l'aspect d'infériorité donnée à un groupe plutôt qu'à un autre.

Aladdin , 1992

 

31ème oeuvre des studios Disney, ce film relate l'histoire d'un jeune voleur nommé Aladin dans la ville plutôt hostile d'Agrabah. En effet, l'aspect manichéen y est parfaitement dessiné dans la mesure où excepté les trois personnages gentils que sont Aladdin, la Princesse Jasmine et le Sultan, tous les autres sont peints comme des caricatures d'êtres impitoyables et non-civilisés. Les animateurs ont attribués aux gardes du palais et aux méchants une barbe noire, un gros nez bulbeux et des yeux sinistres. Tout au long du film, les actions et les dialogues impliquant ces Arabes les montrent sous un jour odieux. 

 

La scène d'ouverture est représentative car elle est révélatrice d'un compteur obscur. Le premier personnage que le téléspectateur rencontre est un marchand arabe, assis sur son chameau, qui traverse le désert en chantant "Arabian Nights", puis qui essaie de nous vendre des marchandises qui soit ne fonctionnent pas soit sont des arnaques risibles. Mais le plus intéressant dans ce passage est la version d'origine de cette chanson "Arabian Nights", que ce marchand chantait et qui a dû être modifiée pour cause de racisme :

 

Version d'origine

 

Oh I come from a land,

From a faraway place,

Where the caravan camels roam.

Where they cut off your ear,

If they don't like your face,

It's barbaric, but hey, it's home.

Traduction 

 

Oh, je viens d'un pays,

D'un endroit lointain,

Où la caravane des chameaux erre.

Où ils vous coupent l'oreille,

S'ils n'aiment pas votre visage,

C'est barbare, mais bon, c'est chez moi.

Version française actuelle

 

Moi je viens d'un pays,

D'un désert infini,

Où les caravanes rêvent et flânent,

Où pendant ton sommeil,

Les serpents t'ensorcèlent,

C'est bizarre ça, mais hé, c'est chez moi.


Puis, l'arme à la main, les gardes arabes chassent Aladdin. Pourquoi ? Parce qu'il a volé un morceau de pain. L'un des gardes crie : "I'll have your head for a trophy, you street rat." (Je prendrai ta tête comme trophée, sale rat des rues). Les gardes arabes apparaissent un fois de plus extrêmement cruels, surtout pour un dessin animé à destination des enfants. Et il en de même pour les marchants... En réalité, ceux qui ont déjà visité les souks savent que les marchants sont sympathiques et offrent leur café ou leur thé gratuitement. Mais ce film présente un vendeur arabe des rues grotesque, le sabre à portée de la main, et qui menace de couper la main de la princesse Jasmine. Pourquoi ? Parce qu'elle a volé une pomme afin de nourrir un enfant affamé. Or, une punition, surtout d'une telle ampleur, ne s'applique (si telle est le cas) qu'à des hors-la-loi récidivistes, qui refusent de se reconnaître leurs méfaits qui sont plus grave qu'un simple vol de pomme. De plus, couper la main n'est une règle valable dans aucun pays arabe, excepté pour les criminels majeurs dans un pays, l'Arabie Saoudite.

True lies, 1994

 

Harry Tasker (Schwarzenegger) mène une double vie car il est un agent secret travaillant pour le gouvernement des États-Unis. Mais pour sa famille, il est représentant de commerce, constamment en déplacement professionnel. Sa femme Helen, lasse de ses absences répétées et de sa vie morne, se laisse berner par un petit escroc nommé Simon.

Afin de gagner les faveurs d'Helen, remarquant que cette dernière ne souhaite que pimenter sa vie monotone, Simon se fait passer pour un agent secret et n'hésite pas à s'attribuer les faits d'armes d'Harry. Ce dernier, pensant que sa femme le trompe, décide alors de faire passer à Simon le goût de plaisanter, et dans le même temps, il met au point un petit scénario pour piéger sa femme et ainsi regagner son cœur. Alors qu'il est sur le point de réussir, les terroristes qu'Harry traquait depuis quelque temps font irruption et enlèvent le couple. Dès lors, les deux vies d'Harry s'entremêlent... 

A sa sortie, malgré des critiques médiatiques enchanteresses, des protestations s'élèvent car à bien y regarder, les stéréotypes s'entremêlent une fois de plus. Dans ce film James Cameron présente les palestiniens musulmans comme des terroristes fanatiques. Traquant l'Amérique, les Palestiniens ont planté des bombes nucléaires en Floride. Dans ce film, les Arabes fonctionnent comme des machines assassinantes et comme des idiots maladroits, rien de bien ne se déroule entre les deux. Par exemple, essayant de lancer un missile, les Palestiniens tuent un des leurs. Plus tard,  un de leur chauffeurs de camion roule par erreur sur un compatriote. Le ridicule atteint son paroxysme à la fin du film lorsque, étonnamment, Aziz, le méchant central, trouve et tient en otage le fils d'Harry. Furieux, celui-ci s'envole dans un jet et attache le méchant à un missile, qu'il envoie ensuite s'exploser.

Ultime décision, 1996

 

Jaffa, leader d'une des organisations extrémistes les plus dangereuses au monde, est arrêté lors du mariage de sa fille. Son adjoint, Nadji Hassan, exige sa libération en échange des passagers d'un Boeing 747 Vol 343 qu'il a pris en otages. Chantant Allahu Akbar, les musulmans maniaques ont l'intention de prévoir assez de gaz nerveux DZ-5 pour tuer presque tout le monde sur la côte Est - 40 millions de personnes. Le Colonel Austin Travis (Steven Seagal) et son équipe proposent alors d'aborder le vol 343 au moyen d'un avion furtif expérimental et d'y introduire un commando d'élite chargé de neutraliser les terroristes.

Dans ce film les arabes ne sont certes pas stéréotypés par leur apparence mais ils sont représentés comme des terroristes fanatiques religieux agissant cruellement au nom de "Allah", dont il répète inlassablement le mot durant le film. Nadgi Hassan va même jusqu'à dire à ses hommes : "Nous sommes les vrais soldats de l'Islam".

Dès sa sortie, et même avant, les réactions fusèrent à propos des stéréotypes contenus en masse dans ce film. Jack G. Shaheen raconte que quelques jours avant la sortie du film dans les salles de cinéma, Nihad Awad, directeur exécutif du Council On American-Islamic Relations (CAIR), invité parmi d'autres leaders de groupes arabes et musulmans par les studios Warner Bros pour un visionnage spécial, a posé cette question : "Pourquoi est-ce une norme dans les films pour un musulman d'être terroriste ?".  La question fut posée pour pointer quelques scènes choquantes. Suite à cela, quelques modifications furent apportées mais le résultat reste tout de même offensant.

1997 : Trois exemples d'un passage éclaire d'un personnage arabe stéréotypé dans des superproductions :

Batman & Robin

 

Dans ce quatrième film de Batman de la saga entamé par Tim Burton en 1989, six hommes enchérissent pour acquérir un super-soldat indestructible (qui s'avèrera être Bane) pour leur ambition de domination du monde. Le prix est de 10 millions de dollars minimum pour cet idéal de la machine à tuer. L'un de ces acheteurs est un arabe muet dans une robe noire ; sa tête est couverte d'un vêtement rouge et blanc.

La scène n'a rien d'offensante en elle-même puisque parmi les six concurrents d'autres ethnies peuvent être identifiées mais il est remarquable de constater que sur un film d'une heure et demi, ce genre de personnages - dont notre "Arabe" - apparaît dans une scène très courte le montrant en train de tenter d'assouvir un dessein de domination via une arme de destruction. 

Spawn

Adaptation du comics éponyme dans laquelle le personnage arabe apparaît comme une victime jetable dès la scène d'ouverture, qui se déroule dans une base militaire de Hong Kong. Embauché pour assassiner, le lieutenant Al Simmons travail pour un agent sinistre du gouvernement nommé Jason Wynn. Simmons pénètre de force dans la tour de contrôle en terrassant plusieurs soldats au passage puis il verrouille ses trois cibles arabes qui sortent d'un avion. Quand l'un d'eux, le "leader du Front Révolutionnaire Algérien" se met à sourire, l'explosion est retentissante.

 Plus tard, dans un rassemblement chaleureux, un émissaire arabe salut chaleureusement le diabolique Wynn, impressionné par une bactériologique que ce dernier a créé et dont il aspire l'obtention et l'usage à ses propres fins.

Mars Attacks !

 

La scène se déroule à Las Vegas. Mr. Art Land, interprété par Jack Nicholson, s'adresse à un groupe d'investisseurs. Le seul investisseur identifiable par son origine ethnique est un arabe, joué par Richard Assad. Quand monsieur Land annonce que les retours sur investissements se feront en cinq mois, cet investisseur, la tête couverte de noir, lève sa main et dit : "Excusez-moi, s'il vous plaît." Monsieur Land l'interrompt, d'une voix peu assurée : "Ouais, ouais, euh juste une seconde Sheikh Rag Moolah."

La Momie, 1999

 

Egypte, 1290 avant Jésus Christ, dans "La cité des morts", le prêtre Imhotep est l'amant de la maitresse du pharaon. Tous deux poignardent ce dernier mais  ils sont prit sur le vif. La maîtresse du pharaon se tue et Imhotep est enterré vivant. Mais avant de sceller le sarcophage d'Imhotep, les gardes le donne à manger aux scarabées avant de momifier son corps.

1923, Rick, joué par Brendan Frasier, lutte avec son régiment contre une légion commandée par des américains. Cette bataille à lieu sur la "cité des morts", à cette époque profondément ensablée. Il se fera arrêté puis entrainé dans une quête de la cité des morts dont il est le seul à connaître l'emplacement.

Qu'il s'agisse du personnage de Beni Gabor, interprété par Kevin J. O'Connor, compatriote, lâche, cupide et fourbe, du personnage principal Rick, ou du directeur de la prison (joué par Omar Djalili) dans laquelle Rick est retenu et sur le point d'être pendu - il s'agit d'un homme méprisable par ses manières, son visage non rasé, et son corps à la mauvaise odeur est soulignée plusieurs fois dans le film -, les bédouins guerriers ou de la masse du peuple égyptien rapidement transformée en zombies adorateurs d'Imhotep, et qui ne font que chanter son nom ; tous les personnages, les scènes et les dialogues font de ce chef-d'oeuvre du box office une réalisation raciste. C'est d'ailleurs une critique médiatique répétée à ce film, comme Jack G. Shaheen le relate parfaitement dans son ouvrage Réel Bad Arabs.

Un exemple particulièrement frappant se déroule lorsque Rick, Evie et son frère Jonathan partent en chameau en compagnie du directeur de la prison. Jonathan critique ces animaux : "J'ai horreur des chameaux. De sales bestioles qui puent, qui mordent, qui crachent." Juste après cette tirade, la caméra montre le directeur (Omar Djalili), qui mange, mord et crache un morceau de nourriture, laissant implicitement penser que le commentaire sur le chameau s'applique également à ce petit homme arabe.

Gladiateur, 2000

 

Dans ce film, l'équipe de réalisation a intégré une bande d'esclaves arabes et un village arabe sale dans ce péplum romain.

Le protagoniste, maximus, habite une maison en Espagne, que des soldats romains, suivant la bataille contre l'Allemagne, viennent brûler. Les soldats crucifient son fils et sa femme. Sérieusement blessé, Maximus s'enfuit à cheval et s'effondre. Soudainement, des hommes parlant arabe enlèvent Maximus.

Maximus est entrainé par une caravane de chameaux, complétée d'esclaves. L'un des esclaves kidnappé par les arabes est un africain (Hounsou), qui essaie de soigner les blessures de Maximus et lui dit de ne pas mourrir ou ils (les arabes) le donneront à manger aux lions. Alors la caméra se tourne vers deux esclavagistes arabes grotesques. 

La caravane arrive à "Zaccahabar, une province romaine". Cette scène, d'une durée d'environ 25 minutes, sert à introduire un esclavagiste astucieux joué par Omar Djalili, qui joue un arabe similaire dans La Momie (1999). L'escalvagiste, qui aurait besoin d'un bain et de se raser, essaie de vendre Maximus et Hounsou à de Proximo, un entraineur de gladiateurs, à un prix assez élever. Quand il parle, il aboie : "on peut négocier", "bonne affaire", un prix spécial". Finalement, Proximo obtient les esclaves pour moins cher que le prix demandé par  l'esclavagiste.

 

Jack. G. Shaheen est allé questionner la professeur de Harvard Kathleen Coleman, un autorité en matière d'histoire romaine et qui servit de consultante durant le tournage de Gladiator.  Cette femme avoue n'avoir pas été présente durant le tournage de cette scène et quand elle a vu à quoi elle ressemblait pour la première fois, elle a eut la sensation d'assister à une sorte de fantaisie. En effet, malgré la volonté d'origine de réaliser une œuvre authentique cela ne pouvait pas être le cas de la sorte. Cette femme est certaine que les marchands d'esclaves arabes n'allaient pas jusqu'en Espagne, donc ils n'auraient normalement pas pu enlever Maximus.


Webographie

20minutes :

Serai H., "Quand l'Occident rejette le génie islamique", mai 2016 : http://journalmetro.com/opinions/autrement-dit/785145/quand-loccident-rejette-le-genie-islamique/

 

Cortecs.org :

Djamel Hadbi et Richard Monvoisin, 26 juin 2014 : https://cortecs.org/ateliers/atelier-cinema-stereotypes-les-arabes-souffre-douleur-du-cinema/

 

Le cinéma est politique :

Liam, "Aladdin" (1992) : Disney au pays des barbares", 2012 : http://www.lecinemaestpolitique.fr/aladdin-1992-disney-au-pays-des-barbares/

Bibliographie

Naim R., "A Hollywood, le terrorisme arabe prend l'Amérique en otage", Recherche e, communication, 2004

 

Shaheen J.G., Reel bad arabs, how hollywood vilifies a people, 2015

Images Sources :

Couverture : http://www.centpapiers.com/184285/

Figure 1 : https://www.indymedia.org.uk/en/2001/11/16148.html?c=on

Figure 2 : Capture d'écran (Youtube)