publié le 12/01/2016

Pourquoi Pokémon est un jeu de sadique ?

Alors qu’en juin 2015, les voix sur le web s’élèvent contre une coutume chinoise consistant à massacrer des chiens, les versions de jeux Pokémon se succèdent depuis la première version sur Game Boy Color en 1996, avec la même atrocité envers ces animaux aux pouvoirs extraordinaires.

Figure 1. Les larmes de Pikachu
Figure 1. Les larmes de Pikachu

En Chine, dans la région autonome du Guangxi, situé au sud du pays, une coutume veut que la viande de chien, consommée au solstice d’été, apporte chance et santé pour le restant de l’année. Sur cette foi, le 22 juin de chaque année est animé, dans la ville de Yulin, un festival au cours duquel se déguste de la viande de canidé et de félin. Durant les jours qui précèdent les festivités, les marchands exposent leurs animaux en cages puis, quand vient le jour de la fête, les bêtes sont abattues sur place, la plupart à coups de bâton, devant les passants désireux d’assister à leur mise à mort.

 

Cette violence envers les animaux nous invite à nous interroger sur notre rapport aux créatures vivantes dans la vie réelle ainsi qu’au sein de l’univers digital (Tamagotchi, Furby et autres jeux vidéos comme Animal Crossing ou encore Pokémon). Se battre contre un dragon ou un Pikachu, souvent dans l'intention de tuer ou de le capturer, que ce soit dans la vie réelle ou dans des simulations virtuelles, se résume dans les deux cas à maltraiter des créatures animées, donc dotées de sensations. Le massacre des chiens en Chine n’est donc pas sans lien avec le jeu vidéo japonais aux sept générations (bleu et rouge, or et argent, rubis et saphir, diamant et perle, noir et blanc, X et Y, soleil et lune) et mondialement connu. Pour les personnes qui ne connaitraient pas le principe de ce jeu, il s’agit d’un monde peuplé de pokémons, des créatures aux tailles diverses dotées d’aptitudes souvent hors du commun comme cracher du feu ou des jets d’eau, générer des décharges d’électricité ou des grandes quantités de gaz. Le jeu consiste à incarner un dresseur de pokémon qui a pour vocation  de découvrir, capturer et collectionner ces animaux imaginaires. Pour cela il lui est nécessaire de les combattre et de les capturer.

Pourquoi combattre ?

Figure 2. Une pokeball dans la tronche !
Figure 2. Une pokeball dans la tronche !

D’abord, afin de les capturer. En se baladant dans les hautes herbes, dans les grottes ou en surfant sur l’eau, le joueur peut tomber sur des pokémons sauvages, donc sans dresseur ni entrainement, qu’il devra affronter pour s'en débarrasser ou les posséder. S'il souhaite capturer la créature sauvage, il faut alors l'affaiblir et l’enfermer dans une pokéball, un appareil sphérique conçu pour que la créature vive sa vie sans que l’être humain n’est à s’en occuper au quotidien. En effet, caresse et jeux ne sont pas prioritaires dans la relation au pokémon. Sa présence dans le monde est purement utilitaire, orientée vers le combat, et tout est fait pour qu’il se sente bien et confortablement installé dans une pokéball sans que les humains aient à en prendre soin au quotidien, comme c’est contrairement le cas pour un animal domestique dans la vraie vie. La technologie sophistiquée dans l’univers de ce jeu permettrait au pokémon enfermé de mener une vie paisible grâce à ce que l'on nomme la démolécularisation (fait de séparer les molécules). L’ensemble de la vie d’un pokémon appartenant à un dresseur est donc une d’existence dans un logiciel. Le confort associé à la vie du pokémon est ainsi obtenu en créant un environnement holographique très éloigné de la réalité et de ses proches.

 

Ensuite, il est aussi possible de combattre pour le sport en se mesurant à d’autres dresseurs, entraîneurs ou compétiteurs. Ces combats sont considérés importants car ils permettent aux pokémons d’acquérir de l’expérience et, de la sorte, d’évoluer et devenir plus forts. Ainsi, le joueur-dresseur transportant sa troupe de pokémons dans les pokéballs fait sortir un à un de leur maison-prison sphérique son équipe d’animaux aux multiples pouvoirs selon ses souhaits. Cela, en les re-matérialisant selon l’ordre de son choix afin de les faire se combattre selon ses stratégies d’attaque et de défense.

 

Voici donc une vision plutôt négative d’un jeu qui fait pourtant le bonheur de nombreux enfants, adolescents et certains parents. Outre les critiques habituelles associées aux excès de brutalités responsables de comportements violents chez les enfants, Pokémon est associé à la cruauté que subissent les animaux imaginaires du jeu japonais. Non seulement ils se font battre pour être capturés et enfermés dans une boule holographique dans laquelle soit ils demeurent soit ils en sont extraits assouvir les besoins de leur maître mais en plus leur existence est voué, pour la majorité, à se battre au nom de la personne qui les as capturé et qui est devenu leur dresseur, leur maître.

 

La PETA, ou People for the Ethical Treatment of Animals qui signifie en français « Pour une Éthique dans le Traitement des Animaux », une association, créée en 1980, et qui lutte pour le défendre le droit des animaux, s’est insurgé en 2012 contre le jeu Pokémon qui annonçait alors la sortie des la version noire et blanche. Leur politique répondant à cette phrase suivante : « Les animaux ne nous appartiennent pas. Nous n’avons pas le droit d’en disposer, que ce soit pour notre alimentation, notre habillement, nos loisirs ou nos expériences scientifiques. », leurs critiques portaient sur le fait de faire croire aux enfants que l’exploitation des animaux, c’est amusant.

Figure 3. Jeux Pokémon de la Peta
Figure 3. Jeux Pokémon de la Peta

Légèrement extrême dans sa manière de voir les choses, après avoir mis en avant la cruauté de jeux comme Cooking Mama ou encore Super Mario 3D Land, la PETA s’est battue  contre le mal-être des pokémons. Les raisons pointées sont notamment l’enfermement de ces pauvres créatures dans leurs pokéballs qui rappellerait celui des éléphants, attendant d’être vendus, dans les trains. Et l’organisme ne s’arrête pas là ! Il offre en effet un mini-jeu flash permettant de nous faire prendre conscience de la violence de ce jeu. Il s’agit d’une parodie : cette fois, le jeu propose d’incarner Pikachu, qui en a assez de se faire taper dessus pour que son maître récolte les honneurs. Il s’agit donc d’un jeu de vengeance puisque le pokémon se bat contre un dresseur sans états d’âmes, dans le but de lui apprendre deux trois choses à propos de l’exploitation des pokémons, à moins qu’il ne s’agisse d’une leçon sur  les animaux…

Figure 4. Jeu de la Péta en action, Pikachu prend sa revanche
Figure 4. Jeu de la Péta en action, Pikachu prend sa revanche

Les armes utilisées par Pikachu pour vaincre le vilain dresseur sont des câlins groupés, manifestations, et les deux classiques : vive-attaque et éclair. Une fois l’adversaire terrassé, on lui offre la possibilité de libérer son Pokémon qui est, selon lui, super heureux de se battre à ses côtés. Évidemment, le Pokémon s’en va avec le joueur. L’adversaire se sent stupide et de nouvelles aventures peuvent commencer. Apparaît ensuite une jolie petite infirmière qui promet qu’il existe d’autres humains qui, comme elle, s’inquiètent du sort des Pokémon. De plus, pour prouver sa bonne foi, elle offre un super coffre au trésor qui contient une des nombreuses vidéos avec musique triste et images d’animaux blessés, torturés, maltraités et prêts à être bouffés.

 

Ce qui est gênant dans cette campagne de PETA, c’est qu’une fois encore, on part du principe implicite que les joueurs, quel que soit leur âge, sont incapables de faire la différence entre fiction et réalité, entre univers ludique, compétitif et compassion dans le réel. Mais sans doute est-ce compliqué à appréhender pour une association qui n'appréhende pas le second degré et transforme le héros de Super Meat Boy, un steack haché, en grand vilain, qu'un steack de Tofu va combattre pour la liberté...

Une critique à relativiser... quelque peu

Pokémon illustre le souci éthique par excellence des jeux vidéos : entre risque d’addiction et incitation à violence, le jeu vidéo est régulièrement pointé du doigt. Pourtant rares sont les joueurs de Pokemon qui après quelques combats avec ces créatures fictives se mettent à torturer un chat pour le plaisir. Il n’est pas question d’empêcher les joueurs mais il est aisé de les prévenir. C’est pourquoi dans les années 1990 fut créé le système de classification comme le PEGI qui attribut un âge limité puis la mise en place sur les consoles de contrôle parental.

 

De plus, songeons aux éventuels effets cathartiques qui feraient que non seulement les jeux vidéo violents n’entrainent pas l’agressivité mais la réduiraient en permettant au joueur de se libérer de ses pulsions violentes. La violence peut aussi heurter la fragilité de certains adolescents et les exposer à un vécu de souffrance psychique. Différent selon les âges, les personnes et leurs histoires, son appréciation varie cependant d’un jeune à l’autre. Or, c’est sont effet traumatique qui importe ainsi que le plus ou moins grande facilité avec laquelle ils s’y accoutument. Il faut aussi prendre en compte le degré de violence variable d’un jeu à l’autre, s’y présenter d’une manière plus ou moins réaliste et offenser la morale citoyenne plus ou moins fortement, en particulier quand elle n’est pas présentée comme un instrument regrettable mais indispensable dans certaines situations pour la défense de valeurs éthiques, mais qu’elle s’avère totalement gratuite sinon sadique.


Webographie

Melty.fr :

GTA V, Pokemon, Les Sims... Les jeux les plus sadiques de l'histoire du jeu vidéo : http://www.melty.fr/gta-v-pokemon-les-sims-les-jeux-les-plus-sadiques-de-l-histoire-du-jeu-video-a510316.html

 

Peta.com :

http://features.peta.org/pokemon-black-and-white-parody/ 

Images sources