Publié le 22/04/2022

Les Sims : un jeu de propagande capitaliste ?

A l'instar de certaines productions de films, de livres, de musiques et autres  produits culturels, certains jeux vidéo ont rejoint la spirale industrielle, productiviste et consumériste qu'est aujourd'hui le système politico-économique dominant. Les Sims en est l'illustration parfaite.

Un jeu réduit à des indicateurs

Dans son ouvrage, Philosophie des jeux vidéo, publié en 2011, le philosophe Mathieu Triclot explique que le jeu vidéo les Sims évoque un message libéral sur le plan des moeurs et une incitation à l'accumulation infinie, autrement dit au consumérisme excessif, via les règles du gameplay

L'ensemble du jeu se base sur la notion d'indicateurs, c'est-à-dire des paramètres à respecter sans lesquels le jeu ne pourrait pas se produire : des barres d'expression de satisfaction des personnages par rapport à leurs besoins fondamentaux (nourriture, sommeil, confort, relations sociales, divertissement...).

 

L'individu dans les Sims existe sous la forme d'indicateurs dont le jeu consiste à satisfaire à travers les objets les plus adaptés. Sans cette dynamique,  le jeu n'existe pas. Il est évidemment possible de tricher, et de s'accorder  par exemple des crédits illimités par quelques manipulations cheatées, mais l'essentiel du jeu consiste à suivre la voie des indicateurs, la résorption des alertes, la maximisation du bonheur, des profits, des amis, des amours.  Tel un être supérieur, un dieu, le joueur s'évertue à remplir ces désirs par contrôle de la vie de ces êtres virtuels surmontés d'une petite icône verte.

 Ces objectifs sont bien souvent les réalisations de désirs réels, en tout cas s'inspirant de la vie réelle et des diverses aspirations du joueur : grande garde robe (dont les grandes marques se sont mêlés à l'instar de H&M et son pack fashion en 2007) scolarité dans une grande université, construction d'une maison luxueuse, généralement comprenant une piscine, un grand mariage, etc.  Les possibilités sont presque infinis et ne cessent de s'accroîtrent de version en version et de DLC en DLC (contenus supplémentaires téléchargeables et généralement payants).

Un jeu reflet de la réalité

Les Sims font en petit ce que l'informatique fait en grand : réduire une situation des à indicateurs simples, parfois symboliques,  et le but consiste à la manipuler à distance en agissant sur l'information disponible. Le jeu est ainsi à la foi une métaphore de la manière dont l'informatique traverse nos existences, en influant notamment sur notre vie, mais également une incitation à mettre en pratique une redéfinition de soi-même. En effet, quel joueur  des Sims n'a pas envisagé sa propre vie au sortir d'une session de jeu comme un ensemble de paramètres à satisfaire ?

Le jeu va même au-delà de la logique des indicateurs dans la mesure où le Sims n'est pas uniquement un personnage numérique, il est également le joueur lui-même. Ainsi, le joueur est incité à fournir du divertissement à ses personnages en les faisant par exemple jouer à un jeu vidéo ; lequel n'est autre que les Sims. Ce personnage joue au Sims, qui joue au Sims, qui joue au Sims...

Dans cette configuration abyssale, qui est le joueur principal ? Quel plaisir tirer  de cette situation et comment échapper à cette mise en abime ?

Les Sims se présentent ainsi comme un assemblage de significations disjointes qui véhicule à la fois un message libéral sur le plan des moeurs, une injonction à consommer et une incitation à la mise en conformité avec le régime de calcul des indicateurs.

 

Le joueur n'a alors d'autre choix que de contempler son propre reflet numérique. Qu'est-t-il devenu ?